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Les transitions professionnelles et la réinvention de soi par le coaching et la médiation cognitive

Argument :

Dans un monde où l’identité individuelle est en constante redéfinition, marquée par la mobilité, les transitions professionnelles et les mutations sociales profondes, la reconstruction de soi devient prioritaire et nécessite une approche transdisciplinaire intégrative. Loin de se réduire à une simple méthode de résolution de conflits, la médiation cognitive s’impose aujourd’hui comme une pédagogie de la reliance – un puissant levier de transformation identitaire, un pont entre le passé et l’avenir, entre le soi d’hier et le soi en devenir.

Mots clés : transition professionnelle, médiation cognitive, pédagogie de la reliance, écologie de l’esprit, réinvention de soi

Réconcilier les dimensions du soi dans les transitions professionnelles

Les transitions – qu’elles soient liées à la carrière, aux relations, à l’existence ou à la culture – nécessitent une capacité accrue d’autorégulation, de symbolisation et de projection. La médiation cognitive répond à ces besoins en reconnectant les dimensions souvent disjointes du parcours de transformation : raison et émotion, pensée et langage, mémoire et imagination.

Dans cette perspective, le langage – miroir de l’esprit, selon Noam Chomsky – devient un outil essentiel pour la réécriture de soi. Par l’activation simultanée des deux hémisphères cérébraux, l’individu accède à un mode de pensée fluide et dialogique, capable de générer du sens à partir de la complexité intérieure.

Le coaching comme espace de reconstruction identitaire

Le coaching apporte à cette démarche une dimension relationnelle profonde : un cadre sécurisant, empathique et structuré dans lequel la personne en transition peut explorer activement ses propres blocages, croyances limitantes et ressources latentes. Grâce à des questions catalytiques, des exercices de réflexion et des techniques de modélisation du mindset, le coaching devient un accélérateur du changement. Combiné à la médiation cognitive, il offre un double cadre de soutien – à la fois intérieur (processus intrapsychique) et extérieur (relation d’accompagnement et de guidance).

Une pédagogie pour naviguer le changement identitaire

Inspirée des neurosciences affectives, de la psychologie humaniste et de l’anthropologie cognitive, la pédagogie de la médiation dépasse la simple transmission de connaissances. Elle répond au besoin de reconnexion intérieure – cette capacité à réconcilier en soi les différentes facettes de l’identité, à intégrer les paradoxes et à se projeter dans un avenir aligné avec ses valeurs profondes.

Dans cette vision, l’école, l’espace de formation ou le cadre de coaching devient un espace de transition entre ce que nous avons été et ce que nous pouvons devenir. La médiation cognitive soutient cette métamorphose identitaire avec douceur et exigence, cultivant la conscience de soi, l’ancrage et le pouvoir de la pensée flexible.

Un processus guidé pour optimiser le bien-être et la performance professionnelle

Forte de mon expérience en pédagogie, en formation et en innovation éducative, j’ai conçu un programme en 6 étapes, destiné à accompagner les personnes en transition et en quête de reconstruction identitaire :

  1. Redécouvrir son potentiel – Aligner ses valeurs avec ses actions dans un état de flow (Mihaly Csikszentmihalyi) afin de retrouver son noyau identitaire.
  2. Organiser son temps et son énergie – Réinventer ses routines pour créer de nouvelles ancres intérieures.
  3. Transformer le stress en présence – Apprivoiser ses peurs et ses émotions pour mieux naviguer l’incertitude.
  4. Construire des relations régénérantes – Se reconnecter aux autres avec authenticité et réciprocité.
  5. Investir dans son propre développement – Adopter une posture d’apprentissage continu tout au long de la vie.
  6. Transmettre du sens – Partager son parcours pour inspirer la transformation collective.

Relier ses appartenances pour redéfinir son identité professionnelle

La médiation cognitive révèle toute sa puissance lorsqu’elle s’étend à l’interculturel. Elle permet à chacun d’intégrer ses multiples appartenances, d’explorer les tensions identitaires et de les transformer en ressources. Elle facilite l’inclusion, la compréhension mutuelle et la coopérationdans des environnements hétérogènes en perpétuelle évolution.

Dans un monde traversé par des fractures identitaires, la pédagogie de la reliance invite à une réconciliation symbolique entre les cultures, les générations, les langages et les récits. Elle permet la reconnaissance de la diversité comme richesse cognitive et existentielle. Loin de neutraliser les différences, elle les célèbre et les met au service d’un dialogue vivant. En encourageant une écologie de l’esprit, où les savoirs, les cultures et les sensibilités coopèrent au lieu de s’exclure, la médiation cognitive devient un vecteur de paix intérieure et sociale. Loin de neutraliser les différences, elle les célèbre et les met au service d’un dialogue vivant Elle transforme la diversité en force et les ruptures en ponts de croissance.

En guise de conclusion : une nouvelle lecture de soi à travers la médiation cognitive

Se réinventer ne signifie pas renier ce que l’on a été, mais tisser du sens entre les différentes strates de sa propre histoire. La médiation cognitive ouvre cet espace de connexion : entre soi et soi, entre soi et les autres, entre l’individuel et le collectif.

La médiation cognitive incarne une pédagogie à la fois sensible et rigoureuse, au service de toute personne en transition professionnelle. C’est une pédagogie pour apprendre à devenir, pour apprendre à être.

Transformer l’éducation, c’est transformer la relation à soi, aux autres et au monde. Comme enseigner, c’est relier, la médiation cognitive nous invite à dépasser l’opposition entre instruction et éducation, pour faire émerger un espace tiers où l’apprentissage devient acte de reliance. Elle invite à cultiver une posture éthique et sensible, à la croisée de la rigueur scientifique, de la profondeur culturelle et de la sagesse humaine.

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Avec inspiration et reconnaisance,

Virginia Brăescu, Smile Vision Academy

Publicat în La pensée complexe, Les paradigmes postmodernes dans l’éducation

La crise de la culture scolaire et les paradigmes postmodernes dans l’éducation et la formation professionnelle

Le rapport au temps conditionne bien l’enseignement. Plus un système d’enseignement est complexe plus il devient incertain et les enseignants ont alors à s’habituer à l’incertain et à former leurs élèves à l’incertitude. Cette marge d’incertitude liée aux réformes du système scolaire et au programme avec tout ce que cela entraîne de choix et de responsabilités est difficile à vivre.

Programme /vs/ Stratégie :

Nous présentons ci-dessous les explications que donne Edgar Morin [1] à ces deux concepts dans son livre Introduction à la pensée complexe. [2]

            „Le mot stratégie s’oppose à celui de programme. Pour les séquences qui se situent dans un environnement stable, il convient d’utiliser des programmes. Le programme n’oblige pas à être vigilant. Il n’oblige pas à innover. […] „Il faut abandonner les programmes, il faut inventer des stratégies pour sortir de la crise. Il faut souvent abandonner les solutions qui remédiaient aux anciennes crises et élaborer des solutions nouvelles.”

Le programme :

            „Un programme, c’est une séquence d’actions prédéterminées qui doit fonctionner dans des circonstances qui en permettent l’accomplissement. Si les circonstances extérieures ne sont pas favorables, le programme s’arrête ou échoue.”

La stratégie :

            „L’action est stratégie. Le mot stratégie ne désigne pas un programme prédéterminé qu’il suffit d’appliquer […]. La stratégie permet, à partir d’une décision initiale, d’envisager un certain nombre de scénarios pour l’action, scénarios qui pourront être modifiés selon les informations qui vont arriver en cours d’actions et selon les aléas qui vont survenir et perturber l’action.

            La stratégie lutte contre le hasard et cherche l’information. […]. De plus, la stratégie ne se borne pas à lutter contre le hasard, elle essaie aussi de l’utiliser. […]. Le hasard n’est pas seulement le facteur négatif à réduire dans le domaine de la stratégie. C’est aussi la chance à saisir.”

Les réformes du système scolaire

Quant à la crise de l’enseignement, nous présentons l’avis de Jean-Didier Vincent [3] sur les programmes scolaires :

            „L’enseignement reste trop figé et ne réussit pas à faire passer le plaisir de la découverte scientifique. Pour cela, il faudrait changer les programmes… Mais je doute des moyens réels du CNP pour parvenir à faire évoluer les programmes. Ceux-ci sont produits par des experts qui gèrent leur discipline comme des bijoux de famille. Le poids des lobbies disciplinaires est considérable. Vous avez l’inspection générale que je compare à une énorme cité avec une multitude de châteaux en son sein pour chaque discipline. Vous avez les agrégés, les associations de professeurs, les syndicats qui veulent tous mettre leur nez dans les programmes. Vous avez enfin la direction des enseignements scolaires dont les pouvoirs sont souvent méconnus. Au milieu de toutes ces féodalités, le CNP n’est pas grand chose. La volonté que nous avions de promouvoir une approche transdisciplinaire, de rendre les programmes plus attractifs, plus lisibles, ne suffit pas: on finit toujours par se heurter à la résistance des disciplines, et je m’en désole.” (Jean-Didier Vincent, Le Monde, 20 mars 2004)

Selon Jean Piaget,  la connaissance est adaptation.  Si s’adapter c’est rencontrer le nouveau, alors l’un des actes principaux de médiation de l’enseignant c’est d’aménager cette rencontre des élèves avec le nouveau. La question du rapport au savoir ne peut pas être bien analysée si la question de la valeur opératoire de ce savoir n’est pas posée. Les savoir-faire sociaux et la maîtrise du langage doivent trouver leur fonctionnalité en situation. La forme verbale et discursive de la connaissance n’est pas suffisante. C’est donc à la lumière de la pédagogie du projet et de la didactique des situations qu’il faut aborder le rapport au savoir, qui est effectivement au centre du rapport à l’école, du rapport à la formation et à l’apprentissage.

L’école ne fait pas qu’instruire, elle éduque aussi.  À l’école, quand une situation est aménagée par l’enseignant dans un but d’apprentissage relativement délimité (par exemple une petite enquête sur la visite d’un musée ou sur l’histoire locale), les élèves apprennent aussi des choses dans le domaine de l’interaction langagière et sociale, et dans le domaine de la production écrite. Dans le processus d’appropriation et de maîtrise des connaissances, les savoir-faire ont une importance essentielle. L’accent mis sur les compétences aujourd’hui, dans les entreprises et dans le système d’éducation et de formation, signifie que la forme opératoire de la connaissance, celle qui est mise en oeuvre en situation de travail, en situation de résolution de problème, ou face à un événement imprévu, est le critère véritable de la connaissance.

Les paradigmes postmodernes dans l’éducation et la formation professionelle

Le paradigme sociodidactique

      La sociodidactique [4] est un concept nouveau, de référence dans l’éducation contemporaine, qui démontre que dans l’éducation de nos jours les facteurs externes au système d’enseignement ont changé et exige de nouvelles approches des contenus de l’apprentissage, aussi bien au niveau des acteurs et des didactiques utilisées. Parmi les changements sociaux qui exigent un nouveau paradigme de l’éducation sociale, on distingue: 

  1. Le multiculturalisme de nos sociétésen tant que réponse à l’homogénité sociale. La migration a modifié la cohésion sociale interne et réclame de nouvelles approches de l’altérité, de la différence et de l’egalité des chances, des droits de l’homme;
  2. L’intégration des pays dans de nouvelles structures économiques, militaires etc. entraîne des modifications du réferentiel et la tendance de changement de l’identité par la standardisation (les effets de la globalisation, le Processus de Bologne etc.)
  3. La transformation du système socio-politique des anciens pays communistes a favorisé l’apparition d’une société – comme moyen de développement de l’autonomie et de la liberté de l’initiative –  dans lequel l’Etat ne detient plus le monopole de l’instruction scolaire à cause des alternatives privées  d’enseignement et des formations des enseignants. Le passage à l’économie de marché a généré l’apparition d’une diversité de métiers, entraînant même un marché des diplômes scolaires.
  4. Le monde dans lequel nous vivons a changé et il faut connaître autrement pour comprendre et expliquer les faits, les phénomènes et les processus sociaux, les mécanismes de développement et de changement social etc. Les préoccupations des organismes internationaux (Conseil de l’Europe, UNESCO etc.) s’intéressent plutôt aux objectifs, aux contenus et aux finalités des programmes d’éducation sociales et moins à la méthodologie, aux didactiques sociales entraînées dans ce processus complex. Les objectifs cibles dans l’éducation restent abstraits  s’ils ne sont pas soutenus par des programmes et des réformes. Le Parlement Européen parle de la nécessité du maintien des valeurs humanistes, l’apprentissage des disciplines humanistes et des langues classiques comme base de la culture européenne dans un monde menacé par la technologie et le pragmatisme. Ce contrebalancement, comme la réplique à la technologisation excessive peut devenir un „supermarché” de contenus, attitudes et comportements prosociaux qui forment la citoyenneté active et responsable pour la valorification du patrimoine culturel européen, la conservation de l’environnement, la défense et le respect des droits de l’homme, la lutte contre le racisme et la discrimination, la valorification des différences dans les conditions des sociétés interculturelles.

La sociodidactique est un nouveau paradigme de l’éducation sociale dans la société de la connaissance, afin que l’éducation soit plutôt une affirmation du pouvoir („empowerment”) qu’une doctrine. C’est pour cela que la sociodidactique est nécessaire afin d’offrir les instruments nécessaires pour ces nouveaux contenus didactiques.

Le paradigme humaniste

Inspirée de la psychologie humaniste (Carl Rogers et Abraham Maslow),  l’approche centrée sur les besoins de l’élève représente une dimension importante de la pédagogie postmoderne. Dans son ouvrage Freedom to Learn, Carl Rogersprésente les trois conditions nécessaires pour un apprentisage efficace: la relation empathique, la considération positive inconditionnelle et la congruence. Ces qualités font que tout en étant centré sur les besoins de l’élève, l’enseignant-médiateur est en même temps centré sur lui-même. Il y a ainsi une correspondance entre les deux visions et une harmonie entre les deux personnes. Finalement, l’enseignant est davantage passionnant par sa façon d’être que par ce qu’il dit. L’élève est par là invité à adopter une attitude analogue d’authenticité, de congruence et de transparence. L’enseignant s’implique personnellement dans la relation pédagogique et se permet d’exprimer ses opinions, émotions et sentiments dans la mesure où ceux-ci sont favorables à l’expression et la croissance de l’élève. Parallèlement, celui-ci grandit dans sa prise de conscience de qui il est.

L’écoute non directive de l’enseignant est proche de „l’ici et maintenant” de la Gestalt (psychologie de la forme) et de la médiation dans la mesure où elle porte son attention sur le processus en cours maintenant sans retour systématique vers le passé. Si l’enseignant veut authentiquement prêter attention au vécu immédiat de l’élève, assez paradoxalement, il sera amené à porter son attention sur lui-même, son vécu et sa propre personne et cela, en relation avec l’autre.

Dans son livre Psychothérapie. Méthodes et techniques [5], le docteur André Moreau démontre que tout ce qu’on a découvert sur l’efficacité de la thérapie, les canaux et la qualité de la communication se passe égalementdans plusieurs domaines d’activité, y compris dans l’enseignementoù l’enseignant peut être assimilé au thérapeute et l’élève au client dans leurs qualités respectives pour que passe la communication et s’établisse la relation. La matière à enseigner peut être assimilée à la méthode thérapeutique. L’élève „placebo positif” ou accordeur progresse d’autant plus vite que l’enseignant est accordeur, „placebo positif”, convaincu et convainquant, passionné et donc passionnant. La personnalité du professeur, sa façon de voir la discipline qu’il enseigne, sa facilité d’induire aux élèves le désir de s’identifier à lui, la relation qu’il établit, la dimension et l’envergure qu’il donne à la matière enseignée contribuent à la réussite de l’apprentissage. Le professeur centré étroitement sur son cours, transmet peu sa compétence.

Une relation est vivante quand chacun, l’élève comme l’enseignant, ose demander, donner, recevoir et refuser. La relation créatrice partant de la droite du tableau ci-dessous implique que chacun peut s’affirmer en respectant les points de vue de l’autre.

Le paradigme de la complexité

            Edgar Morin nous propose une pensée qui relève les défis de la complexité afin de mieux comprendre notre personne, notre humanité, notre monde. Ce paradigme comporte un principe dialogique et translogique et porte en lui le principe de l’Unitax multiplex, ce qui fait que la complexité est antagoniste et complémentaire à la fois, c’est pourquoi elle échappe et à la perspective holistique et à celle réductionniste. La clarté, l’ordre, le déterminisme ne sont pas refusés, mais ils sont insuffisants. „La complexité n’est pas une recette, mais un appel à la civilisation des idées” (Edgar Morin, Op. cit, 2005, p.157), car il n’est pas possible de programmer la découverte, la connaissance, ni l’action.

            „La complexité nécessite une stratégie. Certes, des segments programmés pour des séquences où n’intervient pas l’aléatoire sont utiles ou nécessaires. En situation normale le pilotage automatique est possible, mais la stratégie s’impose dès que survient l’inattendu ou l’incertain, c’est-à-dire dès qu’apparaît un problème important. […]

            La complexité se situe à un point de départ pour une action plus riche, moins mutilante. Je crois profondément que moins une pensée sera mutilante, moins elle mutilera les humains. Il faut se rappeler les ravages que les visions simplifiantes ont faits, pas seulement dans le monde intellectuel, mais dans la vie. Bien des souffrances que subissent des millions d’êtres résultent des effets de la pensée parcellaire et unidimensionnelle.” (Edgar Morin, Op. cit, 2005, p.110 – 111)

L’interdisciplinarité et la transdisciplinarité présente le risque d’être non-disciplinaires s’il n’y avait le paradigme de la médiation.

Le paradigme de la médiation

            La médiation est un paradigme universel. Si toute action de médiation n’est pas une action didactique et tout médiateur n’est pas un enseignant, il semble bien que toute relation pédagogique doive inclure des actions de médiation, et qu’un enseignant ait nécessairement à jouer un rôle de médiateur. La fonction d’aide à l’apprentissage ne peut se résumer à une activité de remédiation pédagogique qui est une remise à niveau des élèves ayant des difficultés et des troubles d’apprentissages. L’apprenant peut et doit progressivement avoir accès à la formation et l’information, sans la médiation de l’enseignant.

            Qu’on l’envisage sous son aspect d’intermédiaire entre l’apprenant et le savoir pour l’aider à résoudre ses conflits cognitifs, ou sous son aspect d’étayage aux côtés de l’apprenant pour le soutenir en attendant qu’il puisse voler de ses propres ailes, la médiation pose toujours problème. Bien que, dans la métaphore de l’étayage, le maître ne prenne plus position entre le savoir et l’élève, mais aux côtés de ce dernier pour le soutenir, le confort de ce soutien provisoire peut inciter celui-ci à ne plus vouloir ou pouvoir s’en passer.

            Cette contradiction de la fonction de médiation, nécessaire dans la relation pédagogique, mais condamnée à disparaître, est exprimée dans la définition donnée par Philippe Meirieu. La médiation est „à la fois ce qui réunit et ce qui sépare, ce qui associe et ce qui permet de se dégager”. Son rôle essentiel consiste à „relier, mais aussi à délier, en désignant à la fois ce qui, dans le rapport pédagogique, relie le sujet au savoir et sépare le sujet de la situation d’acquisition. Elle assure ainsi, contradictoirement mais indissolublement, la transmission du savoir et l’émancipation du sujet”.[6]

Les temporalités de la médiation

            Les processus enseigner/apprendre proposé par Britt-Mari Barth [7] utilise le modèle socio-cognitif structuré en cinq étapes qui sont en interaction permanente :

Tâches préparatoire : rendre le savoir accessible

Première étape: choisir une forme appropriée pour définir le savoir à enseigner en fonction du transfert visé ;

Deuxième étape: exprimer le savoir dans des formes concrètes

Situation d’apprentissage : négocier le sens

Troisième étape: engager l’apprenant dans un processus d’élaboration du sens

Quatrième étape: guider le processus de co-construction de sens

Cinquième étape: préparer au transfert des connaissances et à la capacité d’abstraction par la métacognition.

            Tout acte de médiation suppose :

  • la préparation ;
  • le choix de supports authentiques concrets ;
  • l’établissement de l’intersubjectivité ;
  • un aller-retour entre expérience et réflexion ;
  • la modélisation des processus ;
  • le dialogue cognitif ;
  • l’auto-évaluation et l’auto-régulation.

La didactique ne s’oppose pas à la pédagogie, elle va simplement au-delà, par un souci plus grand d’analyse du contenu des activités mises en jeu dans l’apprentissage, notamment des opérations de pensée que ces activités impliquent. C’est pourquoi cette discipline s’appuie d’une part sur la psychologie du développement cognitif, et d’autre part sur l’épistémologie de chaque discipline, indispensable à l’analyse du contenu des connaissances.

Les temporalités de l’action

Un nouveau rôle de l’enseignant pourrait être celui de „médiateur du temps”, c’est-à-dire celui qui serait capable de provoquer „la rupture de l’instantanéité”, qui pourrait introduire le temps là où l’immédiat est prégnant. Poser un  „silence” (une coupure) dans son discours est parfois très efficace. L’immédiat c’est ce qui est „sans médiation” et les élèves sont souvent dans l’immédiat. C’est ce qui est dans le réactionnel, c’est-à-dire dans l’émotion. C’est pourquoi, explique André de Peretti, pédagogue, homme politique, psychosociologue et écrivain français, il vaut mieux que l’enseignant fasse appel à la stratégie suivante :

  • Poser une question à son groupe d’élèves en leur demandant d’y réfléchir au moins trois minutes avant de répondre.
  • Récolter après les réponses, au besoin en interrogeant certains : „As-tu eu des idées?”

Cette coupure permet que ce ne soit pas toujours les mêmes qui répondent. Cela donne aussi une chance aux autres. Par la suite les élèves eux-mêmes se disent „on réfléchit” et arrivent à intégrer ce ralentissement qui permet la réflexion.

André de Peretti invite également les enseignants à lutter contre ce qu’il appelle „l’effet-Bunuel”. [8], c’est-à-dire contre le phénomène d’autosuggestion négative. Ainsi, les enseignants s’auto-enferment-ils dans une conception lourde et figée des programmes, une conception linéaire de leur activité d’enseignement, de leur relation aux élèves, au lieu de cultiver des souplesses circulaires, des façons de travailler et aussi des stratégies inventives, non répétitives

Le temps devient porteur de limites, l’enseignant étant continuellement invité à fixer des limites supportables pour lui, pour les élèves et leurs parents. Voici quelques-unes des questions que les enseignants se posent :

  • Faut-il traiter le programme en fonction de l’intérêt de la classe (son niveau…)?
  • Faut-il traiter le programme en fonction de l’examen?
  • Faut-il traiter le programme en fonction d’une culture nécessaire à la vie?
  • Faut-il traiter le programme en fonction d’une culture générale émancipatrice?
  • Faut-il viser le court terme (le prochain devoir, le passage dans la classe supérieure), un programme comme contrainte de l’immédiat en quelque sorte;
  • Faut-il viser le moyen terme (le bac, l’entrée dans le supérieur)
  • Faut-il viser le long terme (la culture générale), un programme comme recherche du sens?
  • Combien de temps passer sur telle partie du programme ?
  • À quelle date rendre le devoir ?
  • Dans combien de temps le devoir sera-t-il corrigé ?
  • Quand la cloche ou la sonnerie sonne, comment réagir?
  • Quel temps d’échange accorder à chaque élève ?
  •  Combien de temps accorder à chaque parent pour l’orientation de son enfant?
  • Quand fixer la fin d’une réunion et comment la respecter ?
  • Quand prendre le temps de se former ?

Autant de choix au travers desquels les enseignants naviguent au jour le jour tout au long de l’année, en cherchant à prendre un temps suffisant pour que l’élève construise ses connaissances, pour changer leurs pratiques sans tout bousculer, pour faire comprendre à un jeune et à ses parents qu’une orientation est préférable à une autre, pour se former même si cela leur paraît faire perdre du temps aux élèves et pour faire évoluer leurs attitudes à l’égard des élèves.

Sources de documentation, références et notes bibliografiques:

  1. Edgar Morin est docteur honoris causa de plusieurs universités à travers le monde. Son travail exerce une forte influence sur la réflexion contemporaine. „La Méthode ”(six volumes au total), son œuvre majeure, affronte la difficulté de penser la complexité du réel.
  2. Edgar Morin, „Introduction à la pensée complexe”, Editions du Seuil, 2005, p.119 – 122
  3. Neurobiologiste, membre de l’Académie des sciences, ancien président du Conseil National des Programmes (CNP).
  4. Carmen Bulzan, „Psihologie organizationala si managerială”, Editura Universitaria Craiova, 2008
  5. André Moreau, „Psihoterapie. Metode si tehnici”, editura Trei, Bucuresti, 2007, p. 75 – 76 (traduction du livre du français en roumain par prof. Virginia-Smărăndița Brăescu)
  6. Philippe Meirieu, „Le choix d’éduquer”, éditeur ESF, 1991, p.111 ; Du même auteur „Apprendre… oui, mais comment”, Paris, éditeur ESF
  7. Britt-Mari Barth, „Le savoir en construction”, Paris, Retz, 1993
  8. André de Peretti in Revue de la motivation,  N°36, p.13. L’effet-Bunuel est une métaphore inspiré du film „L’ange exterminateur”, où le cinéaste montre des gens réunis dans un grand hôtel après une soirée à l’Opéra, se convainquant verbalement les uns et les autres que toutes les portes et fenêtres sont bloquées, qu’ils ne peuvent plus sortir de l’hôtel. Ils en sont tellement convaincus qu’aucun ne va vérifier si une seule porte ou une fenêtre peut encore s’ouvrir.

Article paru dans Le Bacău francophone No. 6/ 2023, ISSN 2668-0181, ISSN-L 2668-0181

Auteur: Virginia Brăescu, Professeur de FLE